Compagnie de la Bête Noire

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Hommage à Catherine Pierquin, Présidente de la Bête Noire

Catherine Pierquin était la Présidente de la Compagnie de la Bête Noire depuis sa fondation, en 2008. Si vous avez vu un spectacle de la compagnie, vous l’avez sans doute croisée. Elle était là si souvent. Elle était une amie hors pair et d’un soutien inconditionnel tant dans mon travail d’écriture qu’au sein de la compagnie.

Éducatrice spécialisée auprès d’enfants placés par le juge, mon texte L'enfant sauvage lui était dédicacé. Et dans A cheval sur le dos des oiseaux ,« Madame Catherine » qui dit à la petite Carine « Tu peux compter sur moi mais je ne suis pas ta mère », c’était pour elle aussi. Nos conversations ont nourri mon travail. Pendant plus de 20 ans. 

Catherine était une femme de terrain, une femme du bon sens, une femme de caractère.
Pendant longtemps, elle a été une femme en colère aussi - une belle colère, de celles qui remettent en question ce qui doit l’être, qui refusent de plier sous des décisions politiques ou sous nos conditionnements sociaux. Elle ne comprenait pas pourquoi « la famille » était mise sur un piédestal par exemple. Comment notre société pouvait si profondément penser qu’il est important pour un enfant d’être en lien avec ses parents, même si ceux-ci sont maltraitants. Elle était le témoin direct de ce ravage.

Je m’en suis voulue de l’avoir fait venir au Théâtre 140, pour une rencontre avec le public autour de L'enfant sauvage, parce qu’elle a parlé de ça ce jour-là. Elle a dit que c’était criminel de renvoyer certains enfants dans leurs familles, même juste pour un week-end. Elle disait « stupide », « aberrant », « ridicule », « assassin ». Ce n’était pas intellectuel, c’était vif, bouillonnant, c’était vrai. Elle a aussi parlé des protocoles lourdingues pour devenir familles d’accueil, qui décourageaient plein de gens, alors que ces familles-là (qui pouvaient être des personnes seules, ou des couples LGBTQIA+, ou avoir plein d’autres visages que celui de la norme), elles, pouvaient faire du bien à l’enfant. Elle a parlé du mépris des politiques pour le secteur social, de leur ignorance crasse. Ce qu’elle ignorait (on l’ignorait tou·te·s), c’est qu’il y avait un dirigeant politique dans la salle, qui a attendu qu’elle ait fini de parler pour démonter tout ce qu’elle avait dit, qui l’a écrasée par le langage. Il l’a dominée comme peuvent le faire ces types-là. Des types qui ne connaissent que les chiffres mais qui savent manier la langue. Catherine était au quotidien avec les enfants, elle en savait bien plus que lui. Mais ce jour-là, elle s’est fait écraser. En public. Par des arguments d’autorité.

Le point culminant de sa colère a été, je pense, pendant la pandémie de Covid-19, quand la gestion catastrophique de notre gouvernement a demandé aux institutions de renvoyer les enfants placés dans leurs familles maltraitantes. Je me suis parfois demandé si ça n’était pas ça qui lui avait donné le cancer. Elle dirait que non. N’empêche que c’est juste après cette colère-là que c’est arrivé. Qu’il est arrivé. Son cancer du pancréas.

On dit souvent que la maladie transforme, elle avait beau être unique au monde, elle n’y a pas échappé. Sa colère est tombée. Certes, elle était en arrêt maladie, ne devait plus faire face aux aberrations politiques qui détruisent des vies humaines et s’en contrefoutent. Mais c’était étonnant quand même, et si beau à voir, sa transformation en Dalaï Lama (ça, c’est ce que je disais pour la faire rire). Sa colère est tombée et elle n’est pas tombée avec sa colère. Au contraire. L’amour, la joie, la beauté l’ont tenue bien droite. Elle s’est mise à répandre encore plus d’amour autour d’elle. A nous ses proches bien sûr, mais pas que. Elle est devenue bénévole au sein d’une ASBL qui sauvait les petits hérissons, elle s’est mise à nourrir au biberon un oisillon tombé du nid, à aider une chatte à mettre bas, à faire encore plus de balades avec son chien. Elle a trouvé comment s’occuper des vies vulnérables. Sans qu’aucune décision politique ne la fasse plus chier.

Catherine, c’était une âme magnifique. Authentique. Je ne l’ai jamais vue tricher. Je l’aimais pour cela.

Je remets ici l’article qu’avait écrit Caterine Makereel à l’époque de L'enfant sauvage. Elle en avait été si fière.

Ce 26 août, on jouera A cheval sur le dos des oiseaux au Théâtre le Public. Elle sera là.

Elle sera toujours là en fait.

Céline Delbecq

 

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Posté le 19 août 2025